San Giusto a Rentennano

avec Luca Martini di Cigala à Gaiole in Chianti

Nous aurions pu nous croiser sur un sentier, au coin d’une table dans un refuge, ou encore au pied d’une falaise à escalader. Pourtant, c’est à Gaiole in Chianti, au domaine familial, que j’ai rendez-vous avec Luca et son bras droit, Andrea, pour une visite. J’apprécie ces premières secondes d’une rencontre, où j’observe et laisse place à la connexion, cherchant à percevoir ce que l’autre souhaite transmettre. Discret, calme, ancré, curieux, avec une certaine retenue.

Nous filons vers les vignes. Les 30 hectares du domaine sont répartis sur trois secteurs à Gaiole in Chianti. Les terroirs varient entre sable, limons sableux, argilo-sableux et calcaire. Les cuvées reflètent cette diversité de sols, leur caractère unique se révélant au moment de la vendange. L'équipe effectue trois passages pour aboutir à l’élaboration du Chianti Classico, du Riserva le Baròncole et du Percarlo. Luca partage les particularités des différentes expositions et évoque également le travail en bio, pratiqué depuis 2001. Il parle de la compréhension des plantes, des nouvelles pratiques contre l'esca, et de l'installation de filets anti-grêle sur certains secteurs très exposés.

La pluie nous rattrape, et nous nous réfugions dans la cuverie. Je retrouve une atmosphère qui n’est pas sans rappeler celle des caves en Bourgogne : des murs en pierre couverts de champignons, un dédale de pièces avec des sols en pierre où les fûts s’empilent, et une humidité omniprésente. Le point culminant de la visite est la montée au grenier – une inversion de la tradition qui veut qu'on descende en cave – pour découvrir les séchoirs où les raisins sont posés sur des lattes pendant trois mois pour l’élaboration du Vin San Giusto (90% Malvasia et 10% Trebbiano). Cet élixir passerillé, mis en fût et oublié pendant six ans, se laisse bercer par les fluctuations de température.

Luca a préparé la dégustation dans la villa. Ce lieu, au charme typiquement toscan, offre une vue imprenable sur le Mont Amiata. Les volumes sont chargés d’histoire avec des meubles d’époque, et l’arbre généalogique de la famille ferait frémir les particules des plus grandes lignées.

Attablés, nous entamons la dégustation. Les verres s’enchaînent, et nous pouvons compter sur les tranches de pecorino et de prosciutto pour raviver nos papilles. Percarlo 2004 m’émeut, m’embarque après avoir chaviré dès la première gorgée de Chianti Classico. La douceur et le caractère du Vin San Giusto 1988 me font frissonner. 

Je profite d’être en tête à tête avec Luca pour étancher ma curiosité. Je ne résiste pas à l’envie de lui demander quel est son secret pour maintenir un tel niveau d’excellence tout en résistant aux tendances qui ont fait valser le Chianti ces trente dernières années. “Il suffit d’avoir une vision claire et d’être cohérent. Inutile de faire du bruit, il faut simplement bosser.” Tout est dit! Selon lui, “derrière chaque grande bouteille, 10% du succès revient à l’homme. Le problème survient quand l’homme occupe 90% et le vin seulement 10%.”

« Ma plus grande satisfaction aujourd’hui,” ajoute-t-il, “c’est que nous atteignons, je pense, le sommet. Peut-être même un peu trop, car les vendanges durent vingt jours. C’est peut-être un peu excessif… »
— Luca Martini di Cigala

Les vins dégustés :

  • Rosato Fuori Misura 2021

  • Chianti Classico 2022

  • Riserva le Baròncole 

  • Percarlo 2020 et 2004

  • La Ricolma 2021 et 2007

  • Vin San Giusto 1996 et 1988

Je remercie Luca et Andrea pour ce moment partagé le 25 juin 2024 avec James Marshall.

Pour plus d’informations sur la propriété : Fattoria San Giusto a Rentennano.

Précédent
Précédent

Fattoria Pomona

Suivant
Suivant

Qu’est-ce qu’une marque désirable ?