Cuna

avec Federico Staderini à Pratovecchio (AR)

Des semaines après notre première rencontre à Monte Bernardi lors d’un dîner pizzas - dont Michael a le secret pour rendre délicieuses les choses les plus simples - j’ai finalement pris le temps de parcourir l’heure et demi de route pour répondre à l’invitation de Federico. On n’arrive pas à Cuna par hasard. Le domaine est niché sur les contreforts du Pratovecchio à l'ouest de Florence. On quitte les routes blanches et les cyprès pour trouver un paysage alpestre ponctué de prés et de sapins. 

Federico me reçoit à la propriété une journée de pause pendant les vendanges qui s’étalent sur un mois ici. Il revient du village avec le casse-croûte de 9h pour l’équipe. Lunettes noires épaisses qui contrastent avec ses cheveux gris, tenue chaude, svelte, une paire de Sportiva au pied et nous voilà partis dans la parcelle adjacente au domaine. S’il n’impose pas sa présence ; en sa présence, il impose l’écoute en parlant droit dans les yeux dans un italien choisi et précis. Son niveau de français s’apparente à celui d’un professeur et je le remercie pour être l’une des rares personnes en Italie à prononcer mon prénom sans l’écorcher ou vouloir lui mettre un twist anglophone. 

Cuna est le nom cadastral d’une vigne à quelques pas de la maison. Un nom d'origine étrusque qui signifie “berceau”. Ce n’est pas un hasard s’il a choisi ce lieu pour s’installer en 2004. Le foncier était certes plus accessible mais le terroir présentait un ensemble favorable pour planter du pinot noir : un sous-sol argilo-calcaire, une altitude d’environ 400 mètres et un courant d’air frais très intéressant en provenance de la vallée. Il décide de mener des études (en lien avec son voisin de Podere della Civettaja) et choisit méticuleusement le matériel végétal pour planter 4 hectares de pinot noir en haute densité. L’approche est parcellaire, aussi bien à la vigne qu’en cave, pour apporter la plus complexité à l’assemblage final. Seule la parcelle de Brendino, un peu plus en altitude où la roche mère affleure le sol, est mise en bouteille séparément les grandes années (2009, 2015, 2018, 2019, 2020, 2021). 

Lors de notre échange, il y a plusieurs éléments qui interpellent ma curiosité. Federico est un oenologue-conseil très réputé en Toscane, il a participé à l’essor de nombreux projets tels que Ornellaia au milieu des années 80. Alors, pourquoi choisir des terres si reculées et isolées en Toscane et préférer le Pinot Noir sans pour autant le revendiquer sur l’étiquette? Il m’explique qu’au-delà du sujet foncier, il cherche avant tout l’expression d’un terroir plus que d’un cépage. Il a trouvé ce terroir parfait pour son projet et même si “la route pour venir à nous depuis Florence est physique et aussi métaphorique : c’est un trajet qui prend du temps mais nous voulons ces personnes curieuses et prêtes à faire cet effort.” ajoute-t-il avec sagesse.

Oui, les choses demandent du temps, de la discipline et du calme. On l’oublie parfois - moi, la première - dans notre monde où tout est frénétique. S’ancrer aux bases en lien avec la nature, les saisons et les cycles est un acte militant. Ses propos font d’autant plus écho que j’ai fait ce choix en m’installant dans la campagne toscane. 

Nous faisons un passage dans la cuverie aménagée dans une grange. C’est sobre, efficace et modeste. Simone, un jeune qui travaille avec lui depuis plusieurs années, s’affaire avec son collègue pour presser une cuve en fin de fermentation. Depuis 2014, les macérations se font en grappes entières pour apporter de la structure même s’il confesse que cela demande un peu plus de patience pour déguster les vins une fois mis en bouteille. L’élevage se déroule en fûts  bourguignons usagés. Rien de révolutionnaire ou de très technique dans la méthode de vinification. L’objectif est d’exprimer la finesse et l’élégance du pinot noir que j’ai pu apprécier sur une verticale de trois millésimes de Cuna : 2018, 2019 et 2020. Les vins sont droits, aériens et affichent la fraicheur aromatique de petits fruits noirs typiques du pinot noir. Je retrouve la précision et l’élégance verticale dont Federico me parlait dans les vignes. 

Il y a également un cépage ancien étrusque : l’abrostino planté sur une parcelle proche de la maison principale du bourg que Federico vinifie dans le but de préserver ce matériel végétal local. Je n’ai pas eu l’opportunité de déguster ce vin apparemment très concentré en raison des petites baies aux peaux très épaisses. 

Un grand merci à Federico et Simone pour ce moment de partage et pour cette conversation emplie de sagesse et d’inspiration. C’est bon de prendre le temps pour réaliser ces rencontres. 

Pour en savoir plus sur le domaine Cuna, c’est par ici.

 

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